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[2014.11.15] Accès aux soins : les jeunes sacrifies

En 2000, une étude de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) qualifiait le système d’accès aux soins français comme le plus performant au monde ! Mais si on y regarde de plus près, il est complexe et inégal. En particulier pour les jeunes qui, en fonction de leur situation sociale, en ont un accès très différent.

Techniquement, la couverture sociale et le remboursement des soins des jeunes jusqu’à l’âge de 20 ans sont assurés par le régime de Sécurité Sociale de leurs parents.
Mais c’est après 20 ans que tout se com- plique. Il faut bien distinguer la situation des étudiants et celles des actifs (les travailleurs).

Les étudiants
Chaque étudiant relève du régime étudiant de la Sécurité sociale. Selon leur situation, les modalités de leur prise en charge varient. De 20 à 28 ans, pour bénéficier de ce régime spécifique de protection sociale, ils doivent verser une cotisation annuelle forfaitaire pour l’année universitaire. Cette affiliation à la Sécurité sociale étudiante est obligatoire, sauf pour les étudiants qui sont boursiers ou qui travaillent. Pour cette année scolaire 2014-2015, le montant de la cotisation est de 213€.
Des dépenses de santé qui continuent d’augmenter au fil des années : selon la FAGE (Fédération des Associations Générales Étu- diantes), entre 2011 et 2014 un étudiant paie 72€ de plus pour sa complémentaire santé et 10€ de plus pour la cotisation à la sécurité so- ciale étudiante. Pour la FAGE toujours, les mu- tuelles étudiantes sont loin d’être efficaces : jusqu’à 93% des appels qu’elles reçoivent ne seraient pas traités, et le tiers des étudiants attend plus de 3 mois sa Carte Vitale. Cette inefficacité criante détériore l’accès aux soins des étudiants, dont 18% ne sont pas couverts par une complémentaire santé.
Des coûts élevés qui entrainent des compor- tements à risques. Une enquête du réseau na- tional des mutuelles étudiantes de proximité (EMEVIA) de 2013 montre que 53,1% des étu- diants attendent que la maladie passe avant de consulter un médecin, ils sont également nombreux à se soigner eux même.
En bref, faute de moyens, nombreux sont ceux qui préfèrent passer outre les mailles conventionnelles du système.

Les jeunes actifs
Les travailleurs ont droit à une protection so- ciale de base de la caisse primaire de l’as- surance maladie (CPAM) ainsi qu’à une cou- verture de complémentaire santé (mutuelle). Mais les conditions d’accès diffèrent selon que les jeunes aient plus ou moins de 25 ans, qu’ils soient en recherche d’emploi ou sala- riés, pris en charge ou pas par leurs parents, avec ou sans enfant à charge, etc.
Néanmoins, une enquête de la Mission Locale de Bordeaux de 2013 montre que 10% des jeunes se déclarent en mauvaise santé. 36% bénéficient de la CMU. Pour les autres, 32%, n’ont pas de complémentaire santé, 27% ne consultent pas de méde- cin pour des raisons financières et 17,1% pour d’autres motifs (peur du médecin, irrégularité de la situation, pas de Carte Vitale, pas de médecin traitant). Enfin, les 10% qui n’ont consulté au- cun médecin sont des jeunes en
situation de précarité.
C’est le cas de Benoit, 29 ans, de Nantes, qui a des difficultés pour accéder aux soins : « Je n’ai pas l’habitude d’aller chez le médecin et quand je suis malade, je me débrouille si ce n’est pas grave. Et puis je ne sais plus trop ce qui est remboursé et ce qu’il ne l’est pas. Je n’ai pas pu payer pendant 4 mois ma mu- tuelle, donc tant que je n’ai pas remboursé les retards, ils ne me remboursent rien ! Je ne m’en suis pas servi pendant 6 ans et au moment où j’en ai besoin, ils ne sont pas là. »
Le budget moyen mensuel qu’un jeune actif de 25 ans doit prévoir pour sa mutuelle est de 28€11. À ce prix, les niveaux de garanties correspondent au minimum nécessaire (rem- boursements des soins courants, hospita- lisation, optique et soins dentaires). Le cout de ces mutuelles et le manque d’information peut expliquer le fait qu’1 jeune sur 6 n’a pas de complémentaire santé (rapport du sénateur Demuynck).
Graziella, en recherche d’emploi à Maubeuge, a eu des problèmes avec sa mutuelle : « Scola- risée en septembre 2013 et hospitalisée en no- vembre, je n’ai été remboursée que de la par- tie sécu car je venais de lancer les démarches pour m’inscrire à la mutuelle. Je n’ai pas réagi tout de suite car je croyais que la mutuelle al- lait prendre en charge les frais comme j’avais déposé mon dossier avant d’aller à l’hôpital. J’ai fait des recours, mais cela a trainé, et les dettes sont restées. À force de pressions, j’ai payé. J’ai dû laisser mon logement et je suis allé habiter chez ma grand-mère. Quelques mois plus tard, je suis retournée à la sécu. Ils ont réétudié mon dossier. Mais comme j’avais déjà payé, ils ne m’ont pas remboursé. »
Des situations comme celles-là, de nombreux jeunes en vivent. Les syndicats ou associa- tions étudiantes comme l’UNEF, la Fage mais aussi d’Éducation populaire montent réguliè- rement au créneau pour que cela change. Des doléances qui n’ont pas encore trouvé de réels échos au sein des politiques. Affaire à suivre.

Par Simon Bruneau et Ludovic Di-Jorio

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