JOC

[2023.03.16] La place des femmes dans l’Eglise

Article tiré de l’AsseZoné n°216 de mars 2023

Chaque année, le 8 mars, est la Journée Internationale des Droits des Femmes. Cette journée a été instaurée en 1910 pour rendre hommage au mouvement en faveur des droits des femmes et pour favoriser l’obtention du suffrage universel pour les femmes. La place de la femme dans la société a évolué depuis 1910 mais en tant que jeune de mouvement chrétien, nous allons nous intéresser à la place des femmes dans l’Eglise.

Depuis quelques années, la place des femmes dans l’Eglise a aussi évolué. Depuis le début de son pontificat, le Pape François a multiplié les déclarations à ce sujet. Il a nommé des femmes à des postes rigoureusement réservés aux clercs, et cela jusque dans la Curie*. Ainsi, par exemple, une femme a été nommée à la Secrétairerie d’État du Saint-Siège en janvier 2020. Une autre a été promue secrétaire du Dicastère pour le développement humain intégral. En 2021, une femme encore a été désignée sous-secrétaire du synode des évêques. En 2021 toujours, le Pape François signait une lettre apostolique “Spiritus Domini” indiquant que les femmes pouvaient être instituées dans les ministères de lecteur et d’acolyte. Il s’agissait là de reconnaître une pratique admise en beaucoup d’endroits en Europe.

Dans l’Eglise en France, on constate aussi des changements dans les diocèses. En effet, des femmes sont nommées dans des conseils d’évêques, aux côtés des vicaires généraux. Dans les mouvements et associations de fidèles, de plus en plus de femmes sont dans la gouvernance comme Chloé, présidente de la JOC, Nelly, présidente du MRJC, Adélaïde, présidente de la JIC et Louise, présidente de la JEC.

De même, Véronique Margron préside la Conférence des Religieux et Religieuses de France (Corref) depuis 2016. Elle nous livre son témoignage.

« Je suis religieuse dominicaine depuis un long moment, désormais. Je ne viens pas d’un milieu catholique. La question de la religion n’existait pas, mais elle n’était pas taboue dans ma famille. J’ai fait mes études dans le public. J’ai rencontré la congrégation lors de rencontres fortuites puis j’ai retrouvé les sœurs par hasard alors que je travaillais dans ce qui est aujourd’hui la protection judiciaire de la jeunesse. C’est là que j’ai décidé d’entrer dans cette congrégation. Je pense qu’avant ça ne me traversait pas l’esprit, j’avais des amis chrétiens, qui avaient beaucoup interrogé leur vie et ça m’interrogeait. Quand on est une jeune adulte, on se questionne sur le sens de l’existence. Il n’y aurait pas eu ces rencontres avec les sœurs, je ne serai pas religieuse, il y a eu un événement dans cette rencontre fortuite. C’est ça qui est beau, notre vie ne dépend pas que de planification, elle dépend des rencontres et de la façon dont on veut les saisir ou non.

J’ai fait des études de théologie et me suis spécialisée dans l’éthique puis j’ai enseigné à la Catho de Paris et Angers, et ait été Doyenne de la faculté de théologie catholique d’Angers. J’ai été élue responsable de la congrégation pour la France et un an plus tard, l’assemblée de la CORREF m’a élue présidente. J’ai été réélue, je suis toujours dans ces deux charges. Comme théologienne, spécialisée dans l’éthique, ça faisait partie de l’obligation morale, j’avais reçu beaucoup de gens en difficultés, des personnes homosexuelles ayant du mal à le dire ou le vivre, des couples, des personnes ayant reçu des abus, des personnes aux vies difficiles. Quand je suis devenue présidente de la Corref, très vite j’ai eu des témoignages de victimes, à partir de là tout a découlé jusqu’à la création de la CIASE**. Aujourd’hui j’ai reçu plus de 200 victimes, c’est une lourde situation qui occupe 80% de mon temps.

En France, être la première femme doyenne d’une faculté de théologie catholique, élue par ses collègues, nommée par Rome, était assez fort en termes de symbole. La présidence de la Corref, la conférence regroupe 1/3 d’hommes et 2/3 de femmes, c’est donc normal que ce puisse être une femme la présidente. En interne, cela ne fait pas de problème. La Corref a 12ans d’existence, avant il y avait deux instances, une pour les hommes et une pour les femmes. Cette alternance de présidence entre homme et femme va de soi pour la conférence puis que nous sommes des femmes et des hommes dans la même instance. Je n’ai jamais eu de difficulté. L’impact est sans doute plus par rapport à l’ensemble de l’Eglise de France et des discussions avec la conférence des Evêques, qui est notre interlocuteur habituel ou auprès des médias. Il faut arriver à se reconnaitre, il faut du respect mutuel, ce qui au bout du compte se fait. La crise de l’Eglise, la place qu’a pris la Corref, vis-à-vis de la CIASE, cela a surement appris aux journalistes qu’il y a des femmes en responsabilité en Eglise. 

Que pensez-vous de la place de femmes dans l’Eglise aujourd’hui ? Quelles évolutions possibles voyez-vous ?

Les femmes représentent un peu plus de la moitié de l’humanité et les 2/3 de l’Eglise. Quand l’Eglise se distance des femmes, l’Eglise s’ampute. […] Je ne peux que me réjouir que l’Eglise de France ait une vraie place pour les femmes, y compris si je pense aussi, comme beaucoup, qu’elle est encore insuffisante. Mais par rapport à il y a 50 ans, elle est meilleure, il y a des femmes qui ont des vraies responsabilités dans les diocèses. C’est un rééquilibrage qui est loin d’être terminé et qui est indispensable.  Nombre de femmes sont formées, investies. Il est bien nécessaire que l’animation et la gouvernance des communautés chrétiennes puissent ressembler à la réalité du peuple de Dieu.

Je pense qu’aujourd’hui il y a au moins deux questions : la place des femmes dans les lieux d’Eglise, paroisses, diocèses, formation, services, etc. afin de quitter absolument l’entre-soi : que des laïcs hommes et femmes soient en situation de coresponsabilité, exercent de d’autorité. […] L’autorité cléricale ne doit pas recouvrir l’ensemble du pouvoir- au sens de la capacité à agir – dans un diocèse ou une paroisse. Ce qui ne remet nullement en cause la place de l’Evêque ou du prêtre. Depuis la nuit des temps, la transmission passe avant tout par les femmes, dès l’annonce de la résurrection du Christ. Si vraiment les femmes jouent un rôle dans la transmission, alors il est plus que légitime qu’elles puissent être dans tous les lieux d’Eglise et de formation d’Eglise, en vis-à-vis comme en partenaires dans l’ensemble de la structure de l’Eglise.

Que diriez-vous à des jeunes, qui hésitent à s’engager en Eglise ?

A la fois il est important de suivre profondément son désir, mais il faut le faire éclairer avec d’autres, toujours garder l’esprit critique et le cultiver. S’engager, c’est une belle aventure qui fait vivre, profondément, et j’espère en être un modeste témoin ; mais il faut qu’elle corresponde à une liberté. Personne ne peut ici nous commander. C’est l’intime du cœur, comme centre de décision, d’attention, de volonté, qui essaie de se mettre en accord avec le désir de Dieu. C’est une liberté qui sans se renier, décide de suivre le Christ, de le chercher, de désirer le connaitre et qui se met en même temps dans un service d’autrui. Compte de pouvoir croire que Dieu de l’Évangile nous accompagne, dans nos histoires et leurs méandres. »

Les mouvements de jeunesse d’action catholique au Vatican.

*Curie : ensemble des administrations qui constituent le gouvernement pontifical.

** CIASE : Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise

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